On raconte que Roald Dahl était très grand. L’auteur pour enfants le plus apprécié de la jeunesse anglo-saxonne était pilote de chasse lors de la Seconde Guerre mondiale. Il survola la Libye, l’Irak et Nairobi avant d’écrire, à partir de la fin des années 1940, des textes qui, depuis, n’ont cessé de hanter le cinéma, des Gremlins (Joe Dante) à Charlie et la chocolaterie (Tim Burton). Sa taille le contraignait à se plier en deux pour entrer dans le cockpit.
Exactement l’inverse du journaliste qui, un matin frais de février, se rendait dans la banlieue londonienne, plus exactement dans un ancien dock, pour se perdre au milieu d’une suite infinie de plateaux. Chacun créant à des dimensions naines un monde, une lande, des fermes, des souterrains, une colline avec un arbre centenaire. Wes Anderson, le cinéaste américain connu pour l’élégance de son humour pince-sans-rire et la précision machiavélique de sa mise en scène, y tourne son cinquième long métrage, succédant avec bravoure à une trilogie sans faute : le désespoir stylé de La Famille Tenenbaum, l’hilarante épopée en bonnet Cousteau La Vie aquatique et la sagesse indienne profanée d’A bord du Darjeeling Limited.
Le film s’intitule Fantastic Mr. Fox et s’inspire de soixante-dix pages écrites par Roald Dahl en 1969, soit l’année même où Wes Anderson naissait, à Houston, Texas. Le texte est un monument en Angleterre (Mike Scott et Nikki Sudden ont chanté Mister Fox). Sur le plateau on se sent tout petit. Il est connu que sur un tournage, on ne voit rien. On identifie le cinéaste, et avec chance on papotera avec les acteurs. Mais ici ni George Clooney, ni Meryl Streep, ni Jason Schwartzman, ni Bill Murray, ni Jarvis Cocker ne sont visibles. Leurs noms figurent sur l’affiche pour leurs voix. Les corps qu’ils accompagnent sont des avatars animaliers : Fantastic Mr. Fox est un film d’animation, tourné non pas en 3D numérique mais en stop motion. Image par image, macrogeste par macrogeste, avec de minuscules poupées. L’intégralité des décors, le design des figures s’inspirent des dessins originaux exécutés d’un trait ligne claire par l’immense Donald Chaffin, illustrateur attitré des éditions originales de Roald Dahl. Cette même édition qui marqua tant Wes Anderson lorsqu’il lut le livre dans sa prime enfance.