Focus Vif – Une vie en Stop-Motion
Apr 12, 2018 | Interviews
RENCONTRE avec Jean-François Pluijgers
FOCUS VIF 05.04.2018
FORMÉE À LA CAMBRE, L’ANIMATRICE BELGE KIM KEUKELEIRE S’EST SPÉCIALISÉE DANS L’ANIMATION EN VOLUME.
RETOUR SUR UN RICHE PARCOURS L’AYANT CONDUITE DE CHICKEN RUN À ISLE OF DOGS.
C’est le genre de CV qui en impose. Chicken Run, Fantastic Mr. Fox, Frankenweenie, Ma vie de Courgette ou, aujourd’hui, Isle of Dogs: l’animatrice belge Kim Keukeleire a été associée, depuis une bonne quinzaine d’années maintenant, à quelques-uns des fleurons de l’animation en stop-motion. Pas de quoi entamer la modestie de celle qui, si elle compte parmi les artistes les plus appréciées à opérer sur ce médium, raconte y être venue par accident, pour ainsi dire: “J’ai commencé à travailler comme étudiante, quand j’étais encore en humanités, à colorier des cellos, pour gagner des sous, sans avoir aucune idée de ce qu’était l’animation, explique-t-elle, alors qu’on la rencontre dans un café saint-gillois. Les gens d’Anima m’ont demandé si je ne voulais pas faire la caisse ou les entrées pour la première édition du festival. J’y ai découvert Peter Lord et les Conversation Pieces, les films de Ladislas Starewitch, ceux des frères Quay. Ils m’ont marquée, et c’est sans doute comme cela que je suis allée vers le volume…”
Son cursus, Kim Keukeleire (également appelée Kim Kong) le suivra à La Cambre, où elle fait partie de la même promotion que Guionne Leroy, future directrice de l’animation sur Toy Story, et Stéphane Aubier et Vincent Patar, les créateurs de Panique au village. Quelques pubs et “petits trucs” plus tard, et après “avoir postulé avec insistance”, elle se retrouve à Bristol chez Aardman, les spécialistes de la pâte à modeler. Et d’être associée à l’aventure Chicken Run, le premier long métrage produit par le studio, sur lequel elle est assistante animatrice. “Une étape énorme pour moi, parce que j’ai aussi appris à travailler dans de grosses équipes, à en connaître la structure et le fonctionnement, tout en jouis- sant d’un certain “confort”, avec le luxe d’avoir des gens veillant à ce que l’on n’ait besoin de rien. Et puis, les poupées sont d’une telle qualité que cela revient à travailler avec de petites horloges, alors qu’en Belgique, c’est plutôt avec des bouts de fil de fer. Les moyens sont différents…”
Aller contre-nature
Après avoir été animatrice sur Max & Co, des frères Guillaume, elle est engagée dans l’équipe de Fantastic Mr. Fox, première incur- sion de Wes Anderson dans le domaine de la stop-motion -une technique il est vraie taillée sur mesure pour l’univers de ce maniaque du détail. Venant du cinéma en “live action”, celui-ci adopte une approche différente des réa- lisateurs issus du sérail de l’animation: “Je pense qu’il adore la stop-motion car il peut en- core plus tout contrôler, jusqu’au moindre dé- tail des décors. Sinon, on sent qu’il vient du “live” parce qu’il y a des éléments auxquels des réalisateurs d’animation pourraient chipoter pendant des semaines, alors qu’il s’en fout complètement. Quand il y a des déplacements, par exemple, cela ne l’intéresse pas d’avoir une ani- mation absolument magnifique; de toute fa- çon, bien souvent, il accélère ces moments, nous demandant d’enlever des images ou de faire des marches très rapides. Il ne s’arrête pas à la beauté d’une démarche, parce qu’en live, on ne se préoccupe pas du moment où un acteur passe d’un endroit à un autre, ce n’est pas ça qui est intéressant.” Manière de faire qui, si elle peut parfois déboussoler, est aussi drôle et pertinente, observe-t-elle…